LA CROISADE DES ENFANTS


Dans quelle cervelle malade a pu naître l’idée que, là où échouaient les hommes, les enfants pourraient réussir? Le mouvement semble avoir pris presque d’un coup et sans concertation en France, en Italie, sur les bords du Rhin.

Un moine cistercien, Albéric des Trois-Fontaines, d’une abbaye près de Châlons-sur-Marne, nous a laissé en 1241 un récit de la tentative française.

Etienne, un jeune berger d’un village tourangeau, se crut choisi par Dieu pour mener à la guerre sainte la jeunesse du pays. Une sorte de délire mystique s’empara des enfants de tous les milieux, riches et pauvres. Il en vint trente mille depuis l’âge de huit ans, et ceux de huit ans entraînaient les adolescents. Ce fut comme si Jésus-Christ appelait au secours.
Les parents laissaient faire, subjugués par la mystérieuse puissance de l’élan général.
Ils descendirent la vallée du Rhône en chantant, portant des croix, les plus petits sur les épaules des aînés. Cette armée d’innocents atteignit Marseille.
Là, deux armateurs avisés, Hugues de Fer et Guillaume Porc, noms qu’on dirait inventés par le diable, les embarquèrent gratuitement pour la Palestine sur sept vaisseaux dont deux sombrèrent. Les cinq autres se dirigèrent sur Bougie et sur Alexandrie. Le tout fut vendu à des marchands d’esclaves. Quelques-unes de ces victimes affolées par la peur réussirent à s’échapper, beaucoup périrent. Les autres servirent d’une façon ou de l’autre aux caprices de leurs maîtres.
Et, au fond de harems on entendait parfois de mélancoliques chansons françaises.