Les événements qui se déroulèrent en Europe vinrent apporter à Marseille un nouvel élément de vitalité, favoriser son commerce et y créer les premières industries.
C'était l'époque des Croisades ; les Marseillais prirent une part très active à ce mouvement. Jamais une activité plus grande n'avait régné dans la ville. On construisait des quantités de navires. L'argent affluait. Les négociants fournissaient non seulement les moyens de transport et les vivres, mais les armes et les munitions. La fabrication des armes s'était développée merveilleusement
et la rue Lancerie en était un des derniers vestiges de cette époque (elle sera détruite avec la démolition
des vieux quartiers en février 1943).
Marseille avait développé, de nouveaux marchés qu’elle avait ouverts en Orient. Ces produits lui venaient d'Alexandrie, de l'Arabie, de Tyr, de Tripoli, de Syrie, d'Antioche, de Saint-Jean-d'Acre. C'étaient le sucre, le poivre, le safran, la soie, les étoffes de soie, des teintures pour la laine et le drap, les peaux brutes ou ouvrées et mille autres produits précieux. Profitant de l'établissement des royaumes latins en Terre sainte (conquêtes des croisés) les Marseillais se livrent à un commerce fructueux. On voit ainsi les bourgeois étendre leur ville bien au-delà des anciens remparts et ce faire céder par les vicomtes tous leurs droits, si bien que Marseille est une véritable “république” indépendante au début du XIIIe siècle. Marseille était le premier marché d’Europe. Cette ère nouvelle de prospérité sans égale fait de Marseille une cité méritant déjà son nom de “porte de l'Orient”.
Prise de Jérusalem par les Croisés.
Roman de Godefroy de Bouillon (14e siècle)


Voici un récit coloré d'un embarquement au Moyen Age, d'un croisé, à Marseille.
Il s'agit de Jean, sire de Joinville, qui n'allait pas tarder, au cours de cette croisade, à devenir l'ami et le compagnon fidèle du roi de France, dont il devait par la suite, retracer les exploits (Joinville (Jean, sire de) (v. 1224 ­ 1317), chroniqueur français.
Joinville, biographe de Saint-Louis, présentant son livre.

Sénéchal de Champagne, il quitta sa province pour accompagner Saint Louis en Égypte (1248). Ses Mémoires sont, en réalité, l’histoire de ce roi, qu’il raconte en témoin quelque peu naïf, mais avec un sens aigu de l’observation.) :

" Au mois d'août nous entrâmes dans nos vaisseaux à la Roche de Marseille. Le jour que nous entrâmes dans nos vaisseaux, l'on fit ouvrir la porte du vaisseau, et l'on mit dedans tous nos chevaux que nous devions mener outre-mer, et puis l'on referma la porte et on boucha bien comme quand on noie un tonneau, parce que quand le vaisseau est en mer toute la porte est dans l'eau. Quand les chevaux furent dedans notre maître nautonier (pilote) cria à ses nautoniers (matelots) qui étaient à la proue du vaisseau et leur dit: “Votre besogne est-elle prête ?” Et ils répondirent : “Oui, sire. Que les clercs et les prêtres s'avancent.” Aussitôt qu'ils furent venus, il leur cria Chantez, de par Dieu !” Et ils s’écrièrent tout d'une voix: “Veni Creator Spiritus.” Et le maître cria à ses nautoniers: “Faites voile, de par Dieu !” Et ainsi firent-ils”
“Et, en peu de temps, le vent frappa, sur les voiles, et nous ôta la vue de la terre que nous ne vîmes que ciel et eau, et chaque jour le vent nous éloigna des pays où nous étions nés. Et, par là, je vous montre que celui-là est un fou bien hardi qui s'ose mettre en tel péril avec le bien d'autrui ou en péché mortel; car l'on s'endort le soir là où l'on ne sait si l'on ne se trouvera au fond de la mer au matin.”
A cette époque, un fort trafic se déroule à Marseille. Suivant les notes du notaire marseillais Giraud Amalric, datant du 27 mars 1248, on remarque l'enregistrement de vingt et une “ commandes” :
ce sont les contrats maritimes du temps.Le 30 mars, il dresse trente-sept actes pour les seuls transports maritimes : il enregistre la cargaison du navire Saint-Esprit, qui fait voile pour Acre, du Saint-Gilles à destination de Messine, du Saint-Nicolas et de la Bonne Aventure qui iront vers Bougie et Centa, du Cerf, du Saint-Antoine, du Gerfaut, qui iront à Naples. Les départs s'échelonnent ainsi de mars à juillet. C'est l'époque des grands départs, car on ne voyage guère avant le printemps par crainte des tempêtes.
On imagine assez bien ce que pouvait être la cohue des jours d'embarquement en voyant deux Marseillais passer contrat pour aller durant le mois d'août aux îles de Marseille -c’est en effet aux îles situées en avant du port qu'avaient lieu les grands départs, ce que Joinville appelle
la Roche de Marseille (archipel du Frioul - île Ratonneau et île Pomégues) - afin d'y vendre vin, poisson et viande à
l'équipage et aux passagers des navires en partance. On imagine la foule de revendeurs et de marchands à la criée se pressant dans la rade, marchands de sandwiches,de figues et de raisins secs, harcelants pèlerins et équipage jusqu'au moment où l'on hissait la voile et où le pèlerin voyait peu à peu s'éloigner la terre, puis gagnait pour dormir la place qu'on lui avait assignée, ne sachant “s'il ne se trouverait au fond de la mer au matin”.
En 1130, le seigneur de Beyrouth, en Syrie, exempta les Marseillais des droits d'entrée et de sortie et leur permit d'avoir, dans ses Etats, des juges particuliers pour les contestations commerciales. Foulques d’Anjou, roi de Jérusalem, leur accorda en 1150 de grandes franchises.
Le pape Innocent IV fit une bulle
par laquelle il excommuniait tous ceux qui oseraient troubler les Marseillais dans la jouissance de ces privilèges.
Plus tard, les Marseillais secoururent Baudouin III,en récompense il leur donna une grande maison à Jérusalem. De plus, le roi de Jérusalem voulut encore que les Marseillais eussent dans chaque ville maritime de son royaume, un four, une église et une rue et les affranchit de tous droits.
Le pape Grégoire VIII demanda aussi le secours des Marseillais pour la conquête des lieux Saints et nos ancêtres répondirent avec ardeur à son appel. Ils y gagnèrent de pouvoir négocié librement dans la ville de Tyr et d’y établir un consul.
En 1190, une flotte considérable fut équipée à Marseille; elle emporta dix mille Croisés.
Peut de temps après, une seconde armée navale quittait notre port, monté par de nombreux Templiers, des Allemands et des Catalans.

Les Marseillais ont aidé à la prise de Saint-Jean-d’Acre, ils furent autorisés à négocier librement, à construire des navires et à établir des consuls. C'est ainsi que les Croisades, dont les résultats politiques ne servirent qu'à l'affermissement du pouvoir royal, étendirent le commerce, la navigation et l'influence de Marseille. Son établissement dans les ports du Levant est la première étape de sa colonisation. C'était la première fois qu'une ville de France obtenait au-delà des mers de si larges et si sérieux privilèges.
On peut donc dire, sans exagération, que les Marseillais furent les premiers Français collaborateurs, les premiers qui portèrent au loin notre civilisation et notre langue. Ce sont eux encore qui, les premiers, instituèrent les consuls en pays étrangers.




LA CROISADE DES ENFANTS (Marseille, 1212).

On connaît l’épisode douloureux de la
Croisade des Enfants, cette troupe d’adolescents partis vers Jérusalem, depuis le Vendômois, à l’appel d’un jeune berger, Etienne.
Parvenus en 1212 à Marseille, ces jeunes y furent victimes de négociants sans aveu.
Embarqués en effet à bord de nefs qui, déroutées, les emmenèrent vers des ports musulmans, ces innocents furent vendus là comme esclaves.
Le mot prononcé a cette occasion par le pape Innocent III, doit être ici repris : « Ces enfants nous font honte ».



Durant ces croisades d'autres ordres ce sont crés, en particulier : L'Ordre Teutonique et l'Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem.


L’Ordre TEUTONIQUE : L’Ordre Teutonique (en allemand : Deutscher Ritter Orden), dit encore de Sainte-Marie-des-Allemands, tire son origine d’un poste de secours installé sous la tente, par de riches marchands de Brême et de Lübeck pendant le siège de Saint-Jean-d’Acre, au moment de la troisième croisade (1189-1192).

L’Ordre du SAINT-SEPULCRE DE JERUSALEM : L’Ordre du Saint-Sépulcre doit son institution à l’antique coutume d’armer des chevaliers sur le tombeau du Christ, au temps des croisades. Les historiens rapportent que Godefroy de Bouillon fonda en 1099 un ordre de chanoines réguliers dont la mission était de veiller sur le Saint-Sépulcre et d’y célébrer les offices. Ces religieux furent placés en 1112 sous la règle de Saint Augustin par le patriarche de Jérusalem, et confirmés comme tels dix ans après par une bulle de Calixte II. Mais, ce n’est que bien plus tard que cet ordre ne devint un ordre de chevalerie.