Les Marseillais proclament leur indépendance


Il faut remarquer, en effet, que cette république n’a, officiellement, jamais existé. On ne rencontre ce mot dans aucun des actes officiels de cette époque, il n’y est jamais question de la commune de Marseille. Le nom de République n’a donc été donné à cette forme de gouvernement communal des Marseillais que par analogie avec celui des villes italiennes qui se régissaient elles-mêmes. Mais la constitution marseillaise était certainement la plus républicaine et la plus démocratique de toutes celles de cette époque.

Voici qu'elle était, l’organisation du Gouvernement : Un magistrat suprême, un Podestat, dominait tout. Il devait être étranger pour ne pas être soumis aux influences locales et jouissait d’un traitement de 1.800 livres royales et de 37 livres pour le logement et le bois dé chauffage. Le Podestat avait sous ses ordres un viguier ou lieutenant et trois Syndics, dont les fonctions consistaient à défendre les droits et à poursuivre les actions de la République. Les finances étaient confiées à trois directeurs de la trésorerie appelés clavaires. Trois archivaires étaient chargés de rédiger les actes du gouvernement, de la garde des archives, du sceau et du timbre. La guerre et la marine étaient dirigées par une amirauté composée de six officiers appelés prud’hommes de guerre. Venaient ensuite, en sous-ordre, les inspecteurs des chemins publics, les intendants au nombre de douze - deux par quartiers - chargés d’assurer les subsistances et de veiller aux fraudes sur les vivres et le poids.
Il existait en outre un grand Conseil composé de quatre-vingt-neuf membres, quatre-vingts bourgeois, négociants ou marchands, trois docteurs en droit et six chefs de métier. Chaque année, le 29 octobre, les syndics, les clavaires et six chefs de métiers se réunissaient. Ils choisissaient dans chacun des six quartiers de la ville, deux citoyens " probes et discrets ". Ceux-ci au nombre de douze choisissaient, à leur tour, soixante et onze citoyens pris indistinctement dans tous les quartiers. A ces quatre-vingt-trois conseillers se joignaient six chefs de métier, appelés tour à tour sur une liste de cent pour ne siéger qu’une semaine. Ce grand Conseil était investi des pouvoirs les plus étendus, il n’était nommé que pour un an et ses membres n’en étaient rééligibles qu’après- trois ans. Après avoir choisi leurs soixante et onze collègues, les douze premiers électeurs choisissaient immédiatement sept électeurs, trois parmi les soixante et onze et quatre chefs de métiers. Ceux-ci étaient enfermés et gardés à vue jusqu’à ce qu’ils eussent procédé à l’élection du Podestat et de ses officiers. L’élection était tenue secrète jusqu’au jour de la Toussaint. Le Podestat et les fonctionnaires publics n’étaient aussi nommés que pour l’année, mais ils pouvaient être réélus après un an.
La Toute-puissance résidait dans l’assemblée du peuple ou Parlement. Tous les citoyens ayant leurs droits civils y étaient admis. Cette assemblée se tenait pour toutes les affaires importantes. Elle décidait de la paix ou de la guerre, concluait les traités de commerce ou d’alliance.
Le Parlement était convoqué dans le cimetière des Accoules.
Cet endroit devint par la suite le Forum des Marseillais ; c’est là que se passèrent les grandes cérémonies constitutionnelles pendant plusieurs siècles.
On nommait également chaque année cent chefs de métiers élus par leurs corporations respectives. Nul ne pouvait arriver à cet honneur s’il n’était de Marseille, s’il n’y avait un domicile depuis plus de trois ans et s’il ne possédait au moins une livre royale couronnée. Les six chefs de métiers qui faisaient partie du Conseil général avaient la police des rues et des établissements publics.
Ces institutions étaient donc essentiellement démocratiques ; elles étaient basées sur la souveraineté populaire. C’était véritablement le gouvernement du peuple par le peuple. La commune de Marseille était en cela bien supérieure aux républiques italiennes, qui étaient toutes aristocratiques. Aucun élément aristocratique n’entrait, en effet, dans le système de gouvernement de Marseille. Aucune distinction entre les nobles et les roturiers; aucun privilège de naissance. Les personnes et les propriétés étaient soumises à la même règle et aux mêmes charges. Bien mieux, les nobles pouvaient, sans déroger, se livrer au commerce, qui était, une source de considération et d’influence. A Marseille, tous les arts, toutes les professions étaient intéressés à la chose publique.
Enfin il semble, quand on envisage de loin cette organisation, que c’était là vraiment le règne de la liberté et de l’égalité et que les citoyens de la commune de Marseille ne connaissaient d’autres distinctions que celles que conféraient les vertus et le talent.