Situation des Juifs en France dès 1940


22 juin 1940 : Signature de l'Armistice franco-allemand : "Le Gouvernement français est tenu de livrer sur demande tous les ressortissants allemands désignés par le gouvernement du Reich et qui se trouvent en France" (art. 19 al.2).

2 août : Création d'un camp d'internement et de transit à Schirmeck en Alsace.

28 août : Se fondant sur l'article 19 de la convention d'Armistice, le Reich réclame à Vichy la remise d'Allemands internés dans les camps de zone libre.

27 septembre : Première ordonnance allemande anti-juive publiée en France occupée.

3 octobre : Premier statut des Juifs promulgués par Vichy.

4 octobre : Loi de Vichy autorisant l'internement des "étrangers de race juive". Les autorités allemandes demandent à l'administration française en zone occupée d'interner les Tziganes.

22-23 octobre : "Aktion Bürckel" : déportation des 7.700 Juifs de Bade, de la Sarre et d'Alsace vers la zone libre de la France où ils sont internés, à Gurs. Au total, 25.000 Juifs allemands sont ainsi internés dans les camps de la zone sud.

2 juin 1941 : Second statut des Juifs pris par le gouvernement de Vichy.

En zone occupée, la persécution commence dès l’arrivée des troupes allemandes. En Juin 1940, le SS Standartenführer Knochen installe à Paris un kommando spécial de la Gestapo chargé notamment du règlement de la question juive. En juillet-août, c’est l’expulsion des Juifs d'Alsace-Lorraine et le début de la propagande raciste. Le 27 septembre, la Première Ordonnance du Commandant militaire allemand promulgue un statut des Juifs, dont le but est de marquer les victimes. Il comporte une définition du Juif un peu moins stricte que la définition de la loi allemande de 1935 qui considérait comme Juif tout individu ayant deux grands-parents de confession Israélite. Dans le statut du 27 septembre est considéré comme Juif tout individu professant la religion israélite ou ayant trois grands-parents de confession israélite. Les juifs sont d’autre part exclus des emplois publics et des grandes fonctions économiques. Interdiction est faite à ceux qui ont fui en zone Sud de repasser la ligne de démarcation. Ceux qui restent doivent se faire recenser. En un mot, les Juifs sont jetés à la rue et dénombrés: le filet est tendu.
En octobre, le bureau IV B 4 de la Direction centrale de la Gestapo dirigé par Eichmann envoie à Paris, pour prendre la direction des opérations, un spécialiste, le SS Hauptsturmführer Dannecker. Suivent toute une série d’ordonnances discriminatoires ou spoliatrices, jusqu’à l’amende du milliard imposée à tous les Juifs de France en 1941.

Immédiatement, sans même attendre de pressions allemandes, le gouvernement paternel du Maréchal ne traîne pas non plus est adopte des réglementations et lois antisémites, applicables à tout le territoire français, qui n'ont rien à envier à celles de l'Allemagne nazie.
Le 3 octobre 1940, le gouvernement de Vichy promulgue un Statut des Juifs, première loi française ouvertement antisémite. Les Juifs sont désormais interdits dans l'Administration, l'enseignement, le judiciaire, l'armée, la presse, les théâtres; ils n'ont plus le droit non plus d'être avocats, médecins, etc.
En réalité, dès juillet 1940, les juifs sont exclus de la fonction publique. Les enseignants juifs doivent abandonner leurs classes à la rentrée. La première ordonnance allemande "relative aux mesures contre les Juifs" est prise le 27 septembre 1940 et concerne la zone occupée. Les Juifs qui ont fui la zone nord ne peuvent y retourner et les familles qui y demeurent doivent se faire recenser. Un cachet est apposé sur la carte d'identité. "L'article 4 comporte un aspect économique : tout commerce dont le propriétaire est juif doit être désigné comme "entreprise juive" par une affiche spéciale rédigée en langue allemande et française". Adam Rayski, futur chef des MOI dans la région parisienne commente dans les termes suivants ces événements : "ça sentait le Moyen Age".
Toujours durant l'été, les Juifs sont l'objet d'une odieuse campagne de propagande dans la presse. La population reste sans voix, trop occupée à subvenir à ses besoins. Parmi les réactions les plus détestables, celle de la famille Lissac, qui, dès le 2 août 1940, fait passer une annonce dans la presse pour rétablir une "vérité" : "Lissac ne saurait sans malveillance être confondu avec Isaac, nom israélite par excellence".
Le 3 octobre 1940, le Conseil des ministres de Vichy décrète le premier statut des Juifs. Suit une série de mesures restrictives, dont une liste de fonctions et mandats interdits aux Juifs : haute administration, grands corps de l'État, etc. Ils se voient également bannis de certaines professions comme le journalisme, la littérature, le cinéma, le théâtre, les arts, etc. S'ils peuvent continuer à exercer des professions libérales, c'est en tenant compte d'un numerus clausus fixé à 2%. Les Juifs titulaires de la carte de combattant de 1914-1918, ou cités lors de la campagne 1939-l940 ou encore décorés de la Légion d'honneur, pourront continuer à exercer leurs fonctions à condition toutefois qu'elles soient subalternes. Quelques intellectuels s'insurgent contre ces positions, comme Jean Guéhenno écrivant à la date du 19 octobre 1940 : "Le gouvernement de Vichy publie ce matin le statut des Juifs en France. Nous voilà antisémites et racistes [...]. Je me sens plein de honte."
Les commerçants doivent coller sur leurs vitrines les affiches jaunes "Entreprise juive" ; offusqués, certains ajoutent à côté qu'ils ont été des héros de guerre et sont de bons patriotes. Les entreprises sont aryanisées. Des administrateurs provisoires sont chargés de gérer entreprises et immeubles appartenant à des Juifs. Ces mesures économiques conduisent à paupériser la communauté juive. En juin 1941, l'accès aux universités est également soumis à un numerus clausus.
En zone occupée, les vexations se multiplient : interdiction de posséder un poste de radio, d'avoir le téléphone, de sortir de chez soi entre 20 heures et 6 heures, l'obligation de faire ses courses entre 15 et 16 heures. Le décret de mai 1942 institue à partir du 7 juin le port de l'étoile jaune pour tout juif âgé de plus de 6 ans. Les Parisiens compatissent souvent. Les Juifs ne peuvent plus fréquenter les établissements de spectacle.
Nombreux sont ceux qui fuient vers la zone libre. Une étape est franchie dans la descente aux enfers lors de la grande rafle parisienne du 16 juillet 1942 avec le concours de la police française : 12 884 personnes sont arrêtées (46 % des Juifs étrangers et apatrides), 3 031 hommes et surtout 5 802 femmes et 4 051 enfants. Les camps d'internement sont des endroits sordides où la mortalité est importante en l'absence d'hygiène. La contribution de Vichy à la déportation n'est plus à démontrer, la rafle du Vel d'hiv en apporte la preuve.
Avant l'invasion allemande, on estimait à 300.000 le nombre de Juifs, toutes nationalités confondues, vivant en France. Environ 80.000 d'entre eux seront déportés dans les camps de concentration. Sur ceux-ci, 3.000 seulement, environ, survivront.