La guerre des ondes


La tension internationale qui précède le conflit de 1939 transforme les radios en armes de guerre psychologique. Face à la propagande des radios allemandes et notamment de la puissante "Radio Stuttgart", les radios françaises, privées ou d'Etat, tentent de s'organiser.
Les français sont collés à leurs postes de radio et, entre deux feuilletons radiophoniques, ils sont à l'affût de la moindre nouvelle qui puisse conforter leur opinion sur l'évolution de la tension mondiale ou sur l'entrée en guerre de la France.
Lorsque la guerre éclate, l'heure n'est plus à la musique légère et aux émissions de détente. La radio devient le seul moyen d'information qui puisse renseigner heure par heure les français sur l'évolution de la situation. Les émetteurs se saborderont pour la plupart avant l'arrivée des allemands qui les remettront rapidement en service pour les besoins de leur propagande.

Dès l'été 1940, un studio est installé au Casino de Vichy. L'instrument de propagande du nouvel "Etat français" et de sa politique sera "Radio Vichy".
L'audience reste faible car la radio de Vichy est trop orientée vers la politique du Maréchal et dédaigne la politique extérieure, la poursuite de la guerre.
Les programmes sont évidemment totalement contrôlés par Pétain et Laval.

La Propaganda Abteilung in Frankreich, en zone occupée lance "Radio Paris" dès le 18 juillet 1940.
Cette radio allemande en langue française recrute de nombreux journalistes collaborationnistes qui participent également aux principaux journaux antisémites français. Profitant des nombreux concerts et spectacles donnés à
Paris, elle joue sur le même credo que la radio de Vichy. Avec de grands orateurs comme Jean Hérold-Paquis, qui terminait toujours ses diatribes par "car comme Carthage l'Angleterre sera détruite ".

Les britanniques se retrouvant seuls dans la guerre après la signature de l'armistice, ils autorisent l'émission d'un programme français à la B.B.C. (BBC : British Broadcasting Corporation, radio nationale britannique) d'une demi-heure.
Cette émission fait ses premiers pas le 14 juillet à 20h30, elle prendra bientôt le nom de "Les Français parlent aux Français". Au début de chaque émission, Jacques Duchesne lançait cette phrase "Aujourd'hui, (xeme) jour de la résistance du peuple français à l'oppression" qui se transforma en "Aujourd'hui (xeme) jour de la lutte du peuple français pour sa libération".
La nostalgie républicaine et libérale faisait des petits au sein de l'opinion et on écoutait beaucoup la B.B.C. malgré le brouillage et les sanctions sévères encourues. Dés 1940, les allemands ont condamné l'écoute de la radio de Londre.
Avis au Public

1- La guerre entre l'allemagne et la France est définitivement terminé, dorénavant ces 2 pays ne se considère plus en ennemis. La guerre avec l'Angleterre continue. Cette dernière répand des nouvelles inexactes et tendancieuses, il est donc défendu d'écouter ses émissions de T.S.F. Tout délinquant sera puni et l'appareil confisqué.

2-Il est interdit de circuler dans les rues de 22 h. du soir à 5h.1/2 du matin (heure française) exeption faite des médecins, sages-femmes, ayant une autorisation spéciale du maire.
Les cafés resterons ouverts jusqu'à 22 heures (heure française) pour les civils et 23 heures pour les militaires allemands.

3- Il est recommandé de veiller au camouflage des lumières.

4- La hausse des prix des denrées alimentaires est interdite sous peine d'amende et fermeture des magasins.
Il est également interdit le stockage des dites marchandises.
Affiche allemande en zone occupée


Tract distribué par de "Bons Français"
Sous la pression de l'occupant et de la Propaganda Abteilung ,le gouvernement français étend l'interdiction de capter et d'écouter "les émissions de postes britaniques se livrant à une propagande antinationale,dans tous les lieux publics ou privés"
LOI DU 28 OCTOBRE 1941

Nous, Maréchal de France, chef de l'Etat français, le conseil des ministre entendu, décrétons :

ART. PREMIER. - Est interdite la réception ou l'audition, en quelque lieu que ce soit, public ou privé, des émissions radiophoniques des postes britanniques ou non, se livrant à une propagande antinationale.
ART. 2. - Dés la constatation d'une infraction au présent décret, le préfet peut prendre à l'égard du gouvernemant une mesure d'internement administratif et, si la réception ou l'audition des émissions interdites a eu lieu dans un café, bar, hôtel, restaurant, salon de thé, théâtre, cercle, salle de réunion ou dans tout autre établissement ouvert au public, prononcer la fermeture du-dit établissement pour une durée pouvant atteindre six mois.
Dans tous les cas, il est procédé à la saisie administrative des appareils.
ART. 3. - Toute infraction au présent décret est punie d'une amende de 200 à 10.000 francs et d'un emprisonnement de six jours à deux ans ou de l'une de ces deux peines seulement.
En outre, le tribunal peut prononcer pour une durée de un mois à six mois, la fermeture des établissements désignés à l'article 2.
Dans tous les cas, il ordonne la confiscation des appareils saisis.
ART. 4. - Le présent décret est applicable à l'Algérie.
Fait à Vichy, le 28 octobre 1941.
PH. PETAIN.

Une loi semblable, en date du 2 novembre, s'applique à tous les territoires relevant du Secrétariat d'Etat aux Colonies.
Les seules nouvelles en français échappant à la propagande nazie ou de Vichy, c'est la BBC qui les distille avec "les français parlent aux français".
Des chansons et des maximes deviennent célèbre : le fameux "Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand" sur l'air de la "Cucaracha" en septembre 1940.


En somme, on écoutait Radio Paris le jour et l'on applaudissait Pétain et, le soir venu, toute la famille se rassemblait autour du poste, le volume le plus bas possible.
Pour une grande partie des foyers, l'écoute de Londres est devenue une habitude et les informations se colportent de bouche à oreille et se commentent. Les allemands s'en inquiètent et les arrestations se font de plus en plus nombreuses la plupart sur dénonciation malheureusement.Les peines vont en s'agravant au fil du temps ,de six semaines début 1943 à deux années à la fin pour audition de la BBC.
Coté postes périphériques, la puissante Radio Luxembourg s'est tue en 1939, la récente Radio Andorre n'interrompra pas ses émissions qui seront exclusivement musicales et neutres. Quant à Radio Monte-Carlo, elle sera créée à l'initiative des allemands, des italiens et de l'état de Vichy en 1942.
La Libération supprimera du territoire français la radio privée pour une période de près de 40 ans. La fin des années 40 verra le succès des stations dites "périphériques" avec un programme très proche de la radio d'avant guerre, plus distrayant et populaire que celui de la radio d'Etat.