Prise de Notre-Dame de la Garde
(25 août 1944)

Lorsque la Première Armée française, dépassant Toulon, fonce vers Marseille, elle se présente devant une ville insurgée.
Le général de Lattre de Tassigny craint de laisser ses troupes entrer dans une nasse, "dans la pagaille d'une ville en pleine insurrection." Néanmoins, sous la responsabilité du général de Montsabert,
la troisième Division d'Infanterie algérienne fait mouvement. De Lattre écrit qu'elle se laissa "littéralement aspirer par la foule méridionale". Le rapport officiel de l'armée dit: "l'arrivée de l'armée régulière soulage les Forces Françaises de l'Intérieur,
durement accrochées depuis 48 heures". C'est vrai, mais ce qui l'est également c'est que depuis 48 heures la garnison allemande est bloquée dans quelques points d'appui.
La résistance intérieure, animée principalement par F. LEENHARDT et G. DEFERRE (allias Massereau) se souléve le 21 août 1944, deux jours avant l'entrée dans Marseille de la 3ème Division d'Infanterie Algérienne, commandait par le Général de GOISLARD de MONTSABERT. Le 23 août, trois Groupements de Tabors Marocains (GTM) encerclent Marseille : Au nord : Cadolive - Peypin - Septêmes - L'Estaque - La Nerthe (24 août), Route de Martigues le 25, Tante Rose le 26 août.
Au centre : Col de l'Ange - St Loup - Parc Borély - Pénétration dans Marseille Est le 26 Prise du Fort St Nicolas le 27 août à 17hOO.
A l’Est : Le long du littoral - Nettoyage de la Ciotat - Cassis - Cap Croisette - La Vieille Chapelle - La Pointe Rouge - Prise du Fort Napoléon le 28 à 09hOO.

Le 23 août à 07hOO du matin, le 7ème Tirailleurs Algériens pénètre dans Marseille, avec le 2ème Régiment de Cuirassiers (char Sherman). St Julien - La Canebière - La Porte d'Aix - La prises de N-D de la Garde.

Le 24 au soir, la Première Compagnie du 7ème R-T.A. cantonne dans les maisons bourgeoises du Cours Pierre Puget. Son objectif : La Basilique de N.-D. de la Garde haut perchée.
Le 25 août à 06hOO, sous les platanes, accompagnée des cris de myriades de moineaux piaillards et rigoleurs, la compagnie qui c'est bourrée de munitions, monte jouer sa carte.
Par les escaliers de la rue Abbé DASSY, par la rue Vauvenargues, puis par les jardins, les hommes s'infiltrent. D'autres tirailleurs partent de la rue Cherchell (actuellement Jules-Moulet) et le F.F.I. Pierre Chaix-Bryan leur fait escalader la colline par un escalier à peu près inconnu.
Parvenus devant le jardin de l'Evêché, les hommes se glissent sous les dernières frondaisons, dans le jardin épiscopal.
Devant eux, la Basilique, immense et majestueuse, caressée par les premiers rayons de soleil, irradie alentour. Plus qu'un objectif de choix, beau, irréel, c'est un but, une mission, un symbole.
Premier coup de feu sur les casemates. Le calme est rompu, la promenade terminée, l'affaire de N.-D. commence.
Il est 8 heures, il fait beau, on sent la joie de vivre, c'est le 25 du mois d'août.
La maison d'été de l'Evêque sert d'infirmerie. Monseigneur DELAY et le Chanoine GROS, ligaturent les plaies des blessés; Mains chrétiennes, sang musulman, tout est dans l'ordre.
Le combat fait rage.
Vers midi, la résidence est méconnaissable. Le toit brûle, les 88 allemands martèlent les murs, de toutes les fenêtres, les Tirailleurs Algériens tirent sans arrêt. Il y a du sang partout.

En fin de matinée, deux chars viendront appuyer leurs actions. Au début de l'après-midi, le char "Jeanne d'Arc" touché par deux 88, prend feu (sa tourelle est arrachée) et flambe avec une partie de son personnel.
Son compagnon de lutte, le char "Le Jourdan”, s'élance vers la montée de l'Oratoire, mais saute sur la première rangée de mines et, déchenillé, s'immobilise.
L'équipage, stoïque, tire tout ce qu'il peut, sur les embrasures des blockhaus.
Vers 15 heures, la montée de l'Oratoire s'embrase, d'immenses langues de feu sortent du roc et balaient le chemin.
Le dispositif permanent des lance-flammes à déclenchement électrique vient de jouer. Personne n'est heureusement touché.
Tenant les carabines à bout de bras, la section du 7ème R.T.A. part en hurlant.
L'assaut est lancé. A chaque instant, ils s'attendent à être balayés par un lance-flammes. Les quatre cents mètres, de terrain grimpant, leur paraissent interminables.
Puis, c'est l'enceinte, la pénétration dans la cours intérieure, le franchissement du portail et le mur de clôture. Tir en rafales sur les entrées d'abris allemands. Un bras tend un mouchoir blanc. Le feu cesse. Vingt-trois soldats Allemands se rendent.

N'ignorant rien de I'importance tactique de N.-D. de la Garde, laquelle dominant la ville entière, en est la véritable clé, et constitué, pour le réglage des tirs de leur artillerie, l'observatoire idéal. Les Tirailleurs doivent tenir, et éviter la surprise.
Le feu, intense et grandissant, venant des batteries des îles du Frioul, et d'alentour, risque de faire échouer cette entreprise.
Le char "Le Fabert" qui rejoint l'esplanade à hauteur de la carcasse fumante du Jeanne d'Arc, ouvre le feu en tir direct, sur des objectifs allants du Fort St-Jean (PC allemand), à des bâtiments tenus par l'ennemi.
Quelques hommes, avec le vieux Recteur, Monseigneur BOREL, qui a toujours tenu tête aux Allemands, en refusant d'évacuer N.-D., s'élancent et hissent du côté le plus vu, un immense drapeau tricolore, le plus grand de la Basilique. Le tir ennemi s'arrête net. Une puissante clameur, incroyable, comme sortie du fond de la terre, monte alors de la ville. Cent mille poitrines viennent de hurler leur joie.
Marseille sait que la Bonne-Mère est délivrée. Les Allemands aussi.

On envoie un prisonnier comme parlementaire auprès des quelque cinquante officiers et soldats allemands retranchés dans les souterrains de la colline. Ils se rendent... Le soir du 25, ce sont des soldats français qui couchent dans les anciennes casernes que les allemands réoccupaient depuis 1942.
Mais le feu ennemi, hargneux, tenace, coléreux, reprend de plus belle. Le drapeau visé, ne tombe pas. Des trous, par lesquels un homme pourrait passer, seront ouverts dans les murs de la Basilique par l'artillerie allemande.
A partir de 2OhOO, le feu se calme.
Un poste d'observation qui dès lors, réglera le tir des 105 et 155 du R.A.C.L. (Régiment d'Artillerie Coloniale du Levant) est installé dans le haut du clocher. Trois jours de combats, seront encore nécessaires, avant d'obtenir, le 28 août 1944 à partir de 13 heures, la reddition du Général Allemand Schaeffer, et de toutes ses troupes, qui occupaient Marseille et ses environs.

Le lendemain, 29 août, sur le Vieux-Port, un pathétique défilé, où se côtoieront, au coude à coudes, Armée d'Afrique et F.F.I., marquera solennellement, et avec éclat, la fin d'un cauchemar.